Contentieux administratif : entrée en vigueur du décret 2018-617 du 17 juillet 2018

Posted October 1, 2018 by Antonin Cholet ‐ 9 min read

A compter de ce jour, les nouvelles dispositions contentieuses introduites par le décret 2018-617 du 17 juillet 2018 affectant à la fois le code de justice administrative et le code de l’urbanisme entrent en vigueur : petit rappel des principales modifications en vue d’accélérer la création de logements.

Au préalable, il n’est pas inutile de préciser que le Conseil national des Barreaux a saisi le Conseil d’État d’un recours en annulation à l’encontre de ce décret, lequel pourrait méconnaitre le droit à un recours effectif, le droit à un procès équitable et le respect des droits de la défense.

S’agissant du contentieux administratif en général

Un nouveau cas de désistement d’office

Désormais, il appartient à tout requérant, dont la demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 a été rejetée pour absence de moyen propre à créer un doute sérieux, de confirmer le maintien de sa requête à fin d’annulation ou de réformation.

Cette confirmation doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance de rejet. A défaut de confirmation dans ce délai, le requérant sera réputé s’être désisté.

Cette exigence sera rappelée lors de la notification de l’ordonnance de rejet et, bien évidemment, elle ne trouve pas à s’appliquer en cas de pourvoi en cassation contre l’ordonnance de référé.

Elle est applicable aux requêtes à fin d’annulation ou de réformation enregistrées à compter du 1er octobre 2018.

Un nouvel article R.612-5-2 est inséré dans le code de justice administrative : « En cas de rejet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 au motif qu’il n’est pas fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision, il appartient au requérant, sauf lorsqu’un pourvoi en cassation est exercé contre l’ordonnance rendue par le juge des référés, de confirmer le maintien de sa requête à fin d’annulation ou de réformation dans un délai d’un mois à compter de la notification de ce rejet. A défaut, le requérant est réputé s’être désisté. Dans le cas prévu au premier alinéa, la notification de l’ordonnance de rejet mentionne qu’à défaut de confirmation du maintien de sa requête dans le délai d’un mois, le requérant est réputé s’être désisté ».

La prolongation de la suppression du double degré de juridiction pour la contestation des autorisations d’urbanisme en zone tendue

Le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013 avait introduit la suppression de l’appel contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application (R.811-1-1 du code de justice administrative).

Les communes ainsi visées sont celles où la taxe annuelle sur les logements vacants est applicable (définies au décret n° 2013-392 du 10 mai 2013).

Ces dispositions sont prolongées jusqu’au 31 décembre 2022.

S’agissant du contentieux de l’urbanisme en particulier

La mention sur la décision de la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande

Les autorisations d’urbanisme, les déclarations préalables et les certificats d’urbanisme doivent mentionner la date d’affichage en mairie de l’avis de dépôt de la demande.

Cette exigence est applicable dès le 1er octobre 2018.

Les articles R.424-5 et R.424-13 du code de l’urbanisme sont complétés en ce sens.

L’élargissement du champ de l’obligation de notification des recours

Désormais, l’obligation de notification des recours prévue à l’article R.600-1 du code de l’urbanisme est étendu à toute « décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol » régie par le code de l’urbanisme.

Le décret opère donc une extension du champs d’application de cet article, lequel ne visait antérieurement que les décisions de non-opposition à déclaration préalable ainsi que les permis de construire, d’aménager ou de démolir.

Cette nouvelle rédaction est applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018.

La réduction du délai de forclusion des actions en annulation à l’encontre des autorisations d’urbanisme des constructions achevées

Le délai de forclusion prévu à l’article R.600-3 du code de l’urbanisme passe de un an à six mois à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement contesté.

Au delà de ce nouveau délai de six mois, aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ne peut plus être recevable.

Sauf preuve contraire, la date de l’achèvement des travaux demeure être celle de la réception de la déclaration d’achèvement en mairie.

Cette nouvelle rédaction est applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018.

Le durcissement des conditions de recevabilité des recours exercés par les tiers

Un nouvel article R.600-4 du code de l’urbanisme oblige les tiers souhaitant contester une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol à transmettre systématiquement les pièces de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de leurs biens, afin de démontrer leur intérêt à agir.

Ainsi, sont désormais exigés notamment soit le titre de propriété, la promesse de vente, le contrat de bail ou le contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.

En ce qui concerne plus spécifiquement les associations, ces dernières doivent à peine d’irrecevabilité, produire leurs statuts et le récépissé attestant de leur déclaration en préfecture.

Cette nouvelle disposition est applicable aux requêtes dirigées contre des décisions intervenues après le 1er octobre 2018. Elle ne trouve pas à s’appliquer pour les recours exercés par le pétitionnaire.

L’article R.600-4 du code de l’urbanisme prévoit désormais : « Les requêtes dirigées contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées du titre de propriété, de la promesse de vente, du bail, du contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation, du contrat de bail, ou de tout autre acte de nature à établir le caractère régulier de l’occupation ou de la détention de son bien par le requérant.Lorsqu’elles sont introduites par une association, ces mêmes requêtes doivent, à peine d’irrecevabilité, être accompagnées des statuts de celle-ci, ainsi que du récépissé attestant de sa déclaration en préfecture.Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

La cristallisation automatique des moyens

Il est instauré à l’article R.600-5 une cristallisation automatique des moyens passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Au delà, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux en vue d’obtenir l’annulation d’une décision d’occupation ou d’utilisation du sol.

Il en est de même en cas d’appel ou de pourvoi effectué à l’encontre d’une décision juridictionnelle concernant une décision d’occupation ou d’utilisation du sol.

Toutefois, il est prévu que le magistrat administratif puisse fixer une autre date de cristallisation lorsque le jugement de l’affaire le justifie.

Cette nouvelle disposition est applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018. Elle ne trouve pas à s’appliquer pour les recours exercés par le pétitionnaire.

Le nouvel article R.600-5 dispose que : « Par dérogation à l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d’une requête relative à une décision d’occupation ou d’utilisation du sol régie par le présent code, ou d’une demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant une telle décision, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative. Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie. Le présent article n’est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire. »

Un délai de jugement de dix mois

En matière de contestation d’un permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou de contestation d’un permis d’aménager un lotissement, le juge administratif se voit désormais impartir un délai de jugement de dix mois pour statuer.

Ce délai de jugement est valable aussi bien devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d’appel.

Cette nouvelle disposition est applicable aux requêtes enregistrées à compter du 1er octobre 2018.

Le nouvel article R. 600-6 dispose ainsi que « Le juge statue dans un délai de dix mois sur les recours contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de deux logements ou contre les permis d’aménager un lotissement. La cour administrative d’appel statue dans le même délai sur les jugements rendus sur les requêtes mentionnées au premier alinéa. »

Le certificat de non recours

Il est dorénavant formellement possible de se faire délivrer par le greffe de toute juridiction une attestation sur l’existence ou l’absence de recours déposé à l’encontre d’une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol ou d’une décision juridictionnelle s’y rattachant.

En présence d’un recours, cette attestation mentionne la date d’enregistrement de ce recours.

Cette nouvelle possibilité entre en vigueur le 1er octobre 2018.

Le nouvel article R.600-7 énonce que : « Toute personne peut se faire délivrer par le greffe de la juridiction devant laquelle un recours est susceptible d’être formé contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, ou contre un jugement portant sur une telle décision, un document qui, soit atteste de l’absence de recours contentieux ou d’appel portant sur cette décision devant cette juridiction, soit, dans l’hypothèse où un recours ou un appel a été enregistré au greffe de la juridiction, indique la date d’enregistrement de ce recours ou de cet appel. Toute personne peut se faire délivrer par le secrétariat de la section du contentieux du Conseil d’Etat un document attestant de l’absence de pourvoi contre un jugement ou un arrêt relatif à une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code ou, dans l’hypothèse où un pourvoi a été enregistré, indiquant la date d’enregistrement de ce pourvoi. »